Том 3. Публицистические произведения | страница 20
C’est ici une question sur laquelle la science occidentale malgré ses prétentions à l’infaillibilité a toujours été en défaut. L’Empire d’Orient est constamment resté une énigme pour elle; elle a bien pu le calomnier, elle ne l’a jamais compris. Elle a traité l’Empire d’Orient comme Monsieur de Custine vient de traiter la Russie, après l’avoir étudié à travers sa haine doublée de son ignorance. On n’a su jusqu’à présent se rendre un compte vrai ni du principe de vie qui a assuré à l’Empire d’Orient ses mille ans d’existence, ni de la circonstance fatale qui a fait que cette vie si tenace a toujours été contestée et à quelques égards si débile.
Ici, pour rendre ma pensée avec une précision suffisante, je devrais entrer dans des développements historiques que ne comportent point les bornes de cette notice. Mais telle est l’analogie réelle, telle est l’affinité intime et profonde qui rattache la Russie à ce glorieux antécédent de l’Empire d’Orient, qu’à défaut d’études historiques assez approfondies il suffit à chacun de nous de consulter ses impressions les plus habituelles et pour ainsi dire les plus élémentaires, pour comprendre d’instinct ce que c’était que ce principe de vie, cette âme puissante qui pendant mille ans a fait vivre et durer ce corps si frêle de l’Empire d’Orient. Cette âme, ce principe, c’était le Christianisme, c’était l’élément Chrétien tel que l’avait formulé l’Eglise d’Orient, combiné ou pour mieux dire identifié non seulement avec l’élément national de l’état, mais encore avec la vie intime de la société. Des combinaisons analogues ont été tentées, ont été accomplies ailleurs, mais elles n’ont eu nulle part ce caractère profond et original. Ici, ce n’était pas simplement une Eglise se faisant nationale dans l’acception ordinaire du mot comme cela s’est vu ailleurs, c’était l’Eglise se faisant la forme essentielle, l’expression suprême d’une nationalité déterminée, de la nationalité de toute une race, de tout un monde. Voilà aussi, soit dit en passant, comment il a pu se faire que plus tard cette même Eglise d’Orient est devenue comme le synonyme de la Russie, l’autre nom, le nom sacré de l’Empire, triomphante partout où elle règne, militante partout où la Russie n’a pas encore fait pleinement reconnaître sa domination. En un mot si intimement associée à ses destinées qu’il est vrai de dire qu’à des degrés divers il y a de la Russie partout où se rencontre l’Eglise orthodoxe.