Черная речка. До и после - К истории дуэли Пушкина | страница 96
Je ne t'ai pas écrit le jour où je t'ai renvoyé la pétition au Roi, parce que je voulais t'écrire une lettre qui pouvait te faire plaisir et dans ce temps-là je n'étais ni tout à fait content de moi ni sûr, au lieu qu'aujourd'hui je suis calme et tranquille.
Gevers a perdu son père et si tu veux lui écrire une lettre de condoléances bien triste, et si cela te fatigue le moins du monde tu peux t'en éviter la peine, car je puis t'assurer qu'il a supporté cette perte avec un courage vraiment héroïque, et quand j'ai été chez lui pour le consoler, le second mot qu'il m'a dit: «Mon Dieu comme ceci dérange tous mes projets, je voulais aller en congé l'année prochaine et faire un voyage avec mon père en Italie, voilà que tout est dérangé…». J'espère que tu reconnais à cette phrase ton délicieux collaborateur, qui du reste a eu l'air très piqué de ce que je lui ai posé une feuille de papier sur les dernières phrases de la pétition, et il m'a dit qu'il ne savait pas pourquoi je prenais toutes ces précautions, qu'il n'avait pas l'habitude de s'occuper de ce que ne le regardait pas.
Voilà encore une nouvelle histoire qui s'est passée à notre régiment et qui fait furieusement du bruit.
Nous avons été obligés de chasser du régiment Thisenhausen, le frère de la comtesse Panin, ainsi que Novosilsoff, un officier qui venait d'entrer au régiment. Ces messieurs avaient fait une espèce de dîner de corps avec des officiers d'infanterie et une fois pris de vin, ils se sont disputés et appliqués des soufflets. Les gaillards, au lieu de se brûler la cervelle, se sont embrassés et raccommodés et ont tenu la chose secrète. Mais enfin le pot-aux-roses s'est éventé, cela est venu à notre connaissance et aussitôt ils ont été expulsés et le Grand Duc [les] a fait passer à l'armée avec le même grade, ce qui doit être très flatteur pour le corps d'officiers où on les envoya.
J'ai aussi une fort mauvaise nouvelle à te donner. Il paraît que lorsque nos trois années seront expirées dans la maison Vlodek, il faudra déménager, car ce sont les Savadofsky qui vont y démeurer. Leur mère leur a vendu, peut-être te fera-t-on des propositions pour déménager plus tôt. Je t'avertis, tu feras ce que tu voudras, mais c'est dommage, c'était un logement bien agréable et bien commode.
J'ai parcouru toutes les campagnes de la Novederévne, je n'ai [pas] trouvé qui puisse nous convenir, les meilleures sont déjà prises et dans celles qui restent il y a des punaises à foison, de sorte que je n'en prendrais pas. Cela ne vaut pas la peine, d'autant plus que le logement que me donne la couronne n'en a pas, mais il est trop petit pour deux. Mais voilà ce que je ferais si par hasard tu arrivais avant que ton ancien logement ne soit prêt. Je te ferai arranger le mien, et cela te suffira pour quelques jours. Car ton logement sera vidé le 18 mai et tu ne viendras guère avant la fin du mois. Je te prierai aussi de me marquer ce qu'il faut que je fasse et si tu veux faire faire quelque changement avant ton arrivée.