Черная речка. До и после - К истории дуэли Пушкина | страница 50



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[…]Le principal, c'était d'obtenir la permission du Roi de me donner votre nom, et comme vous ne luiavez jamais rien demandé, il vous accordera cette faveur, d'autant plus que vous vous contentez d'une récompense pour vos services qui ne lui coûtera rien, et il est rare de trouver des supérieurs, seraient-ils même princes, qui n'aiment à s'acquitter à ce prix des services qu'on leur a rendus.

La noce de notre ami Marchinko s'est terminée hier et a été célébrée à l'église de Malte. Sa femme est catholique. Il y avait foule pour voir la cérémonie; quant au marié, il a joué de malheur car au moment le plus pathétique de l'exorde du prêtre il a eu le talent d'exciter un rire général. Je ne sais si vous ignorez la formule du mariage, mais ordinairement le prêtre dit d'avance mot pour mot ce que vous devez dire vous-même, et il commence par votre nom de baptême, et malheureusement Marchinko s'appelle Jean. Vous allez voir le quiproquo que cela lui fit faire; quand le prêtre eut dit: "moi Jean", l'épouseur, sans lui donner le temps de le reprendre continue avec un timbre de voix et une fermeté à désoler tous ses amis: "moi, gentilhomme de la chambre de Sa M[ajesté] E[mpereur] de toutes les Russies et Roi de Pologne, je promets…" Enfin, le prêtre eut toutes les peines du monde à l'arrêter et à lui expliquer qu'il se trompait et que ce n'était pas de ses titres et grades que l'on voulait, mais tout simplement de son nom de baptême, et il le fit recommencer. Vous pouvez penser s'il en a été question en ville le soir même dans tous les salons, et les mauvaises langues prétendaient que c'était une grande délicatesse de sa part de se montrer dès le premier jour à sa femme tel qu'elle devait le conserver toujours; c'est-à-dire, bête et vain. Il n'y eut que la bonne Elisa (qui parle du nez plus que jamais) qui prit sa défense et qui déclara qu'un homme qui avait le coeur aussi sensible que Marchinko et aussi susceptible de fortes impressions devait naturellement perdre la tête en pareille occasion; quant à elle, qui ne perd jamais la sienne, elle revient d'un pèlerinage chez le Saint que l'Empereur a fait l'année dernière. Vous voyez qu'elle n'oublie jamais rien pour conserver les bonnes grâces de son Souverain et vraiment quand on suit cette femme et que l'on voit qu'elle ne peut faire une action sans qu'il y eut un but d'ambition et d'intrigue cela devient révoltant.

Le pauvre diable de Platonoff est dans un état depuis trois semaines qui fait de la peine, il est tellement amoureux de la petite princesse B. qu'il s'est renfermé chez lui, qu'il ne veut voir personne, pas même ses parents. Car il refuse sa porte à son frère et à sa sœur. Il prétexte une grande maladie: cette conduite m'étonne pour un garçon d'esprit, car il est amoureux comme on nous représente les héros des romans. Ceux-ci je les comprends parfaitement puisque il faut bien inventer quelque chose pour remplir les pages; mais pour un homme qui a du bon sens, c'est de la dernière extravagance; j'espère qu'il mettra bientôt un terme à ses folies et qu'il nous sera rendu, car moi il me manque beaucoup.