Черная речка. До и после - К истории дуэли Пушкина | страница 18
Vous ne pouvez vous imaginer, mon très cher, quelle fête l'on se fait à Soulz de vous voir. L'idée pour eux que vous y passerez quelques jours fait leur bonheur et dans ce moment toutes les têtes sont en fermentation pour savoir comment l'on vous fera passer le temps le plus agréablement possible! Mais rassurez-vous, par bonheur ils m'ont demandé conseil, de sorte que les plaisirs ne seront pas étouffants mais ils seront calmes comme vous les aimez et j'espère que vous [vous] rappellerez avec plaisir de votre séjour au milieu de ma famille qui vous regarde comme son chef.
Moi, depuis 3 semaines, je mène la vie la plus agitée de la terre: exercice sur exercice, grande manœuvre sur grande manœuvre, et avec tout ceci un temps affreux, jamais deux jours de suite le même temps, tantôt une chaleur à étouffer, et d'autres fois tellement froid que l'on ne sait où se mettre. Le 16 Juin nous avons eu une grande parade devant le Prince des Pays-Bas et au milieu de la cérémonie une pluie affreuse. Moi j'ai eu, pour mon compte, tout ce que j'avais de plus neuf dans un état déplorable; on ne pouvait deviner de quelle couleur était mon uniforme tellement il était couvert d'eau et de boue; c'est un plaisir qui coûtera bon à Sa Majesté car toute la garde avait été habillée à neuf pour ce jour. Nous devons quitter le camp dans quelques jours pour aller à Peterhoff pour le 1er Juillet où l'on dit que la fête sera plus brillante que jamais.
Mon cher ami, vous avez toujours des inquiétudes sur mon bien-être qui sont mal fondées; vous m'avez donné avant de partir de quoi me tirer honorablement et commodément d'affaire, surtout quand nous serons de retour en ville. Au camp il est vrai que je suis un peu serré, mais c'est seulement pour quelques mois, mais une fois rentré en ville je serai parfaitement à mon aise, et si je devais avoir un déficit dans ma caisse pendant les manœuvres (ce que je ne pense pas) soyez persuadé que je vous avertirai tout de suite de sorte que votre bon cœur peut être tranquille; si je ne demande rien, c'est que je n'ai besoin de rien.
J'ai [n'] vu Bray depuis mon départ qu'une seule fois. Il est malheureux comme les pierres car Madame Iermoloff a été habiter Pergolo de sorte qu'il est obligé de faire très souvent 30 verstes, ce qui doit l'ennuyer furieusement. Quant à notre ami Jean-Vert, c'est la perle des diplomates, continuellement sur la route de Peterhoff, ne me parlant que de la manière gracieuse dont le traite le Prince et disant que Son Altesse lui donnait tellement à travailler qu'il ne savait plus où donner de la tête; le fait est que dès qu'il entend venir quelqu'un chez lui, il se précipite à la table et fait semblant d'écrire et il a toujours à l'entour de lui une quantité immense de papiers et de cartons. Aussi il me fait l'effet de jouer avec sa place, comme un enfant de 8 ans joue avec des soldats de plomb.