Константин Бальмонт и поэзия французского языка/Konstantin Balmont et la poésie de langue française [билингва ru-fr] | страница 26



Et des plumes rouges volent dans la neige et dans le vent.
C'est le massacre des innocents.
C'est la détresse humble et cachée
Des faibles, des timides, et des doux…
Pourtant, il y a les corbeaux et les loups.
― Et que disent-elles?
― Elles disent: Faim! Faim!
Encore, et toujours, et sans cesse et sans fin:
Faim! Et les petits disent: Faim! et les vieux disent: Faim
Notre Père! Notre Père! Faim! Faim! Faim!
Notre Père! Notre pain!
Et d'autres, à la fois, clament faim et froid,
Criaillent: Faim! Croassent: froid!
― Et les poissons que disent-ils?
― Les poissons sont au fond de l'étang.
Ils regardent sous la glace avec de grands yeux navrants.
Ils demandent, dans leurs prières,
De l'eau, de l'air, tristement à voix basse;
Car l'eau gèle jusqu'а terre,
Car ils étouffent, et vont mourir.
Ils prient dans les profondeurs,
Et leurs voix mornes et crépusculaires
S'élèvent des grands étangs solitaires…
Mais personne ne les entend.
― Et que font les hiboux?
― Ils volent sur la ville, dans les ténèbres,
Comme des cloches funèbres;
Ils crient: Unissez-vous! Unissez-vous!
D'un ton très plaintif et très doux.
Et c'est la lamentation suprême.
Car les loups et les corbeaux
Ont mangé le petit agneau,
Et sa mère lèche son sang
En pleurant et en bêlant;
Et quand on l'entend, le cœur se fend!
Car la misère est sur la terre;
Et l'universel hurlement
Gronde et monte vers le ciel sombre,
Vers le ciel implacablement!
― Ô mère! Ecoute!… Il semble aussi
Qu'une voix très lointaine chante…
Où est-ce ta voix qui chante ainsi?
Il fait si noir; j'ai peur. Est-ce qu'il neige encore?
La lampe s'est éteinte et le feu s'est éteint.
La nuit touche mes yeux. Je m'endors et je pleure…
Ô mère! Donne la bénédiction du soir
A mon cœur qui a pitié,
Et chante-moi, en me berçant,
Cette chanson plaintive et touchante
Qu'ils chantent, là-bas, sans fin, sans fin…
Mère, embrasse-moi, comme je t'embrasse,
Pour tous ceux qui ont faim et froid
Dans le vent, dans la neige et dans la glace.
Et dis-moi, ne vais-je pas rêver, tantôt,
 Que je suis le petit agneau
Et que le loup me mange?
― Dors, enfant! Ce n'est qu'un songe…
Dors, l'aube est proche. Dans le matin
Vont sonner les cloches d'or. Repose,
Il passe un souffle d'avril lointain.
La neige se fond. Voici les roses…
― Ô Mère! Alors, comme un bon ange,
Prends-moi dans tes bras,
Pendant que le loup me mange.
Reste près de moi.
Embrasse-moi…

1897


О, Мать, что же это, великий этот шум в ночи?
О, Мать, кто же это дышит и кто воет так?