Vingt mille lieues sous les mers | страница 124



Il faut l’avouer, ce pain était excellent, et j’en mangeai avec grand plaisir.

« Malheureusement, dis-je, une telle pâte ne peut se garder fraîche, et il me paraît inutile d’en faire une provision pour le bord.

– Par exemple, monsieur ! s’écria Ned Land. Vous parlez là comme un naturaliste, mais moi, je vais agir comme un boulanger. Conseil, faites une récolte de ces fruits que nous reprendrons à notre retour.

– Et comment les préparerez-vous ? demandai-je au Canadien.

– En fabriquant avec leur pulpe une pâte fermentée qui se gardera indéfiniment et sans se corrompre. Lorsque je voudrai l’employer, je la ferai cuire à la cuisine du bord, et malgré sa saveur un peu acide, vous la trouverez excellente.

– Alors, maître Ned, je vois qu’il ne manque rien à ce pain...

– Si, monsieur le professeur, répondit le Canadien, il y manque quelques fruits ou tout au moins quelques légumes !

– Cherchons les fruits et les légumes. »

Lorsque notre récolte fut terminée, nous nous mîmes en route pour compléter ce dîner « terrestre ».

Nos recherches ne furent pas vaines, et, vers midi, nous avions fait une ample provision de bananes. Ces produits délicieux de la zone torride mûrissent pendant toute l’année, et les Malais, qui leur ont donné le nom de « pisang », les mangent sans les faire cuire. Avec ces bananes, nous recueillîmes des jaks énormes dont le goût est très accusé, des mangues savoureuses, et des ananas d’une grosseur invraisemblable. Mais cette récolte prit une grande partie de notre temps, que, d’ailleurs, il n’y avait pas lieu de regretter.

Conseil observait toujours Ned. Le harponneur marchait en avant, et, pendant sa promenade à travers la forêt, il glanait d’une main sûre d’excellents fruits qui devaient compléter sa provision.

« Enfin, demanda Conseil, il ne vous manque plus rien, ami Ned ?

– Hum ! fit le Canadien.

– Quoi vous vous plaignez ?

– Tous ces végétaux ne peuvent constituer un repas, répondit Ned. C’est la fin d’un repas, c’est un dessert. Mais le potage ? mais le rôti ?

– En effet, dis-je, Ned nous avait promis des côtelettes qui me semblent fort problématiques.

– Monsieur, répondit le Canadien, non seulement la chasse n’est pas finie, mais elle n’est même pas commencée. Patience ! Nous finirons bien par rencontrer quelque animal de plume ou de poil, et, si ce n’est pas en cet endroit, ce sera dans un autre...

– Et si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain, ajouta Conseil, car il ne faut pas trop s’éloigner. Je propose même de revenir au canot.