Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 9
Le duc secoua la tête.
– Eh bien ! soit, Joyeuse, dit-il, je donnerai, s’il le faut, au Lorrain maudit la joie de me voir mort, mais je ne lui donnerai pas celle de me voir fuyant. J’ai soif de gloire, Joyeuse ; car, seul de mon nom, j’ai encore des batailles à gagner.
– Et Cateau-Cambrésis que vous oubliez, monseigneur ; il est vrai que vous êtes le seul.
– Comparez donc cette escarmouche à Jarnac et à Moncontour, Joyeuse, et faites le compte de ce que je redois à mon bien-aimé frère Henri. Non, non, ajouta-t-il, je ne suis pas un roitelet de Navarre ; je suis un prince français, moi.
Puis se retournant vers les seigneurs, qui, aux paroles de Joyeuse, s’étaient éloignés :
– Messieurs, ajouta-t-il, l’assaut tient toujours ; la pluie a cessé, les terrains sont bons, nous attaquerons cette nuit.
Joyeuse s’inclina.
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– Monseigneur voudra bien détailler ses ordres, dit-il, nous les attendons.
– Vous avez huit vaisseaux, sans compter la galère amirale, n’est-ce pas, monsieur de Joyeuse ?
– Oui, monseigneur.
– Vous forcerez la ligne, et ce sera chose facile, les Anversois n’ayant dans le port que des vaisseaux marchands ; alors vous viendrez vous embosser en face du quai. Là, si le quai est défendu, vous foudroierez la ville en tentant un débarquement avec vos quinze cents hommes.
Du reste de l’armée je ferai deux colonnes, l’une commandée par M. le comte de Saint-Aignan, l’autre commandée par moi-même. Toutes deux tenteront l’escalade par surprise au moment où les premiers coups de canon partiront.
La cavalerie demeurera en réserve, en cas d’échec, pour protéger la retraite de la colonne repoussée.
De ces trois attaques, l’une réussira certainement. Le premier corps, établi sur le rempart, tirera une fusée pour rallier à lui les autres corps.
– Mais il faut tout prévoir, monseigneur, dit Joyeuse.
Supposons ce que vous ne croyez pas supposable, c’est-à-dire que les trois colonnes d’attaque soient repoussées toutes trois.
– Alors nous gagnons les vaisseaux sous la protection du feu de nos batteries, et nous nous répandons dans les polders, où les Anversois ne se hasarderont point à nous venir chercher.
On s’inclina en signe d’adhésion.
– Maintenant, messieurs, dit le duc, du silence.
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Qu’on éveille les troupes endormies, qu’on embarque avec ordre ; que pas un feu, pas un coup de mousquet ne révèlent notre dessein. Vous serez dans le port, amiral, avant que les Anversois se doutent de votre départ. Nous, qui allons le traverser et suivre la rive gauche, nous arriverons en même temps que vous.