Les Quarante-Cinq. Tome III | страница 45
Mais, avant de mourir, je veux savoir ce que va chercher cette femme au camp des Français.
Et comme, à la suite de toutes ces commotions qui avaient ébranlé l’air, la nature était rentrée dans son repos, Joyeuse, enveloppé de son manteau, rentra dans son immobilité.
Il était tombé dans cette espèce d’assoupissement à laquelle, vers la fin de la nuit, la volonté de l’homme ne peut résister, lorsque son cheval, qui paissait à quelques pas de lui, dressa l’oreille et hennit tristement.
Henri ouvrit les yeux.
L’animal, debout sur ses quatre pieds, la tête tournée dans une autre direction que celle du corps, aspirait la brise, qui, ayant tourné à l’approche du jour, venait du sud-est.
– Qu’y a-t-il, mon bon cheval ? dit le jeune homme en se levant et en flattant le cou de l’animal avec sa main ; tu as vu passer quelque loutre qui t’effraie, ou tu regrettes l’abri d’une bonne étable ?
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L’animal, comme s’il eût entendu l’interpellation, et comme s’il eût voulu y répondre, se porta d’un mouvement franc et vif dans la direction de Lier, et, l’œil fixe et les naseaux ouverts, il écouta.
– Ah ! ah ! murmura Henri, c’est plus sérieux, à ce qu’il me paraît : quelque troupe de loups suivant les armées pour dévorer les cadavres.
Le cheval hennit, baissa la tête, puis, par un mouvement rapide comme l’éclair, il se mit à fuir du côté de l’ouest.
Mais, en fuyant, il passa à la portée de la main de son maître, qui le saisit par la bride comme il passait, et l’arrêta.
Henri, sans rassembler les rênes, l’empoigna par la crinière et sauta en selle. Une fois là, comme il était bon cavalier, il se fit maître de l’animal et le contint.
Mais, au bout d’un instant, ce que le cheval avait entendu, Henri commença de l’entendre lui-même, et cette terreur qu’avait ressentie la brute grossière, l’homme fut étonné de la ressentir à son tour.
Un long murmure, pareil à celui du vent, strident et grave à la fois, s’élevait des différents points d’un demi-cercle qui semblait s’étendre du sud au nord ; des bouffées d’une brise fraîche et comme chargée de particules d’eau éclaircissaient par intervalle ce murmure, qui alors devenait semblable au fracas des marées montantes sur les grèves caillouteuses.
– Qu’est-ce que cela ? demanda Henri ; serait-ce le vent ?
non, puisque c’est le vent qui m’apporte ce bruit, et que les deux sons m’apparaissent distincts.
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Une armée en marche, peut-être ? mais non ; – il pencha son oreille vers la terre, – j’entendrais la cadence des pas, le froissement des armures, l’éclat des voix.