Les Quarante-cinq. Tome I | страница 76




– Des cartes, des gens insolents, des admissions exceptionnelles aux portes de Paris ; oh ! oh ! que veut dire cela ? demanda Nicolas Poulain tout rêveur.


– Si vous ne savez pas ces choses, vous qui vivez ici, comment les saurions-nous, nous qui vivons en Lorraine, passant tout notre temps à courir sur les routes pour joindre les deux bouts de ce cercle qu’on appelle l’Union ?


– Et ces gens, enfin, comment venaient-ils ?


– Les uns à pied, les autres à cheval ; les uns seuls, d’autres avec des laquais.

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– Sont-ce des gens du roi ?


– Trois ou quatre avaient l’air de mendiants.


– Sont-ce des gens de guerre ?


– Ils n’avaient que deux épées à eux six.


– Ce sont des étrangers ?


– Je les suppose Gascons.


– Oh ! firent quelques voix avec un accent de mépris.


– N’importe, dit Bussy, fussent-ils Turcs, ils doivent éveiller notre attention. On s’informera d’eux. Monsieur Poulain, c’est votre affaire. Mais tout cela ne nous dit rien des affaires de la Ligue.


– Il y a un nouveau plan, répondit M. de Mayneville. Vous saurez demain que Salcède, qui nous avait déjà trahis et qui devait nous trahir encore, non seulement n’a point parlé, mais encore s’est rétracté sur l’échafaud ; et cela grâce à la duchesse qui, entrée à la suite d’un de ces porteurs de cartes, a eu le courage de pénétrer jusqu’à l’échafaud, au risque d’être broyée mille fois, et de se faire voir au patient, au risque d’être reconnue. C’est en ce moment que Salcède s’est arrêté dans son effusion : un instant après, notre brave bourreau l’arrêtait dans son repentir. Ainsi, messieurs, vous n’avez rien à craindre du côté de nos entreprises de Flandre. Ce secret terrible s’en est allé roulant dans une tombe.


Ce fut cette dernière phrase qui rapprocha les ligueurs de M. de Mayneville.


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Briquet devinait leur joie à leurs mouvements. Cette joie inquiétait beaucoup le digne bourgeois, qui parut prendre une résolution soudaine.


Il se laissa glisser du haut de son entonnoir sur le pavé de la cour, et se dirigea vers la porte où, sur l’énonciation des deux mots : Parme et Lorraine, le portier lui livra passage.


Une fois dans la rue, maître Robert Briquet respira si bruyamment que l’on comprenait que depuis bien longtemps il retenait son souffle.


Le conciliabule durait toujours ; l’histoire nous apprend ce qui s’y passait.


M. de Mayneville apportait de la part des Guises, aux insurgés futurs de Paris, tout le plan de l’insurrection.