Les Quarante-cinq. Tome I | страница 74



Peste ! la bourgeoisie est grandement représentée, mais la noblesse… ah ! M. de Mayneville ; Dieu me pardonne ! il serre la main de Nicolas Poulain : c’est touchant, on fraternise. Ah ! ah !

ce M. de Mayneville est donc orateur ? il se pose, ce me semble, pour prononcer une harangue ; il a le geste agréable et roule des yeux persuasifs.


Et, en effet, M. de Mayneville avait commencé un discours.


Robert Briquet secouait la tête, tandis que M. de Mayneville parlait, non pas qu’il pût entendre un seul mot de la harangue ; mais il interprétait ses gestes et ceux de l’assemblée.


– Il ne semble guère persuader son auditoire. Crucé lui fait la grimace, Lachapelle-Marteau lui tourne le dos, et Bussy-Leclerc hausse les épaules. Allons, allons, monsieur de Mayneville, parlez, suez, soufflez, soyez éloquent, ventre de biche ! Oh ! à la bonne heure, voici les gens de l’auditoire qui se raniment. Oh ! oh ! on se rapproche, on lui serre la main, on jette en l’air les chapeaux ; diable !


Briquet, comme nous l’avons dit, voyait et ne pouvait entendre ; mais nous qui assistons en esprit aux délibérations de l’orageuse assemblée, nous allons dire au lecteur ce qui venait de s’y passer.


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D’abord Crucé, Marteau et Bussy s’étaient plaints à M. de Mayneville de l’inaction du duc de Guise.


Marteau, en sa qualité de procureur, avait pris la parole.


– Monsieur de Mayneville, avait-il dit, vous venez de la part du duc Henri de Guise ? – Merci. – Et nous vous acceptons comme ambassadeur ; mais la présence du duc lui-même nous est indispensable. Après la mort de son glorieux père, à l’âge de dix-huit ans, il a fait adopter à tous les bons Français le projet de l’Union et nous a enrôlés tous sous cette bannière. Selon notre serment, nous avons exposé nos personnes et sacrifié notre fortune pour le triomphe de cette sainte cause ; et voilà que, malgré nos sacrifices, rien ne progresse, rien ne se décide.

Prenez garde, monsieur de Mayneville, les Parisiens se lasseront ; or, Paris une fois las, que fera-t-on en France ? M. le duc devrait y songer.


Cet exorde obtint l’assentiment de tous les ligueurs, et Nicolas Poulain surtout se distingua par son zèle à l’applaudir.


M. de Mayneville répondit avec simplicité.


– Messieurs, si rien ne se décide, c’est que rien n’est mûr encore. Examinez la situation, je vous prie. M. le duc et son frère, M. le cardinal, sont à Nancy en observation : l’un met sur pied une armée destinée à contenir les huguenots de Flandre, que M. le duc d’Anjou veut jeter sur nous pour nous occuper ; l’autre expédie courrier sur courrier à tout le clergé de France, et au pape, pour faire adopter l’Union. M. le duc de Guise sait ce que vous ne savez pas, messieurs, c’est que cette vieille alliance, mal rompue entre le duc d’Anjou et le Béarnais, est prête à se renouer. Il s’agit d’occuper l’Espagne du côté de la Navarre, et de l’empêcher de nous envoyer des armes et de l’argent. Or, M.