Le vicomte de Bragelonne. Tome I | страница 75




Le soleil éclairait à peine de ses premiers rayons les grands bois du parc et les hautes girouettes du château, quand le jeune roi, réveillé déjà depuis plus de deux heures, et tout entier à l'insomnie de l'amour, ouvrit son volet lui-même et jeta un regard curieux sur les cours du palais endormi.


Il vit qu'il était l'heure convenue : la grande horloge de la cour marquait même quatre heures un quart.


Il ne réveilla point son valet de chambre, qui dormait profondément à quelque distance ; il s'habilla seul, et ce valet, tout effaré, arrivait, croyant avoir manqué à son service, lorsque Louis le renvoya dans sa chambre en lui recommandant le silence le plus absolu. Alors il descendit le petit escalier, sortit par une porte latérale, et aperçut le long du mur du parc un cavalier qui tenait un cheval de main.


Ce cavalier était méconnaissable dans son manteau et sous son chapeau.


Quant au cheval, sellé comme celui d'un bourgeois riche, il n'offrait rien de remarquable à l'œil le plus exercé.


Louis vint prendre la bride de ce cheval ; l'officier lui tint l'étrier, sans quitter lui-même la selle, et demanda d'une voix discrète les ordres de Sa Majesté.


– Suivez-moi, répondit Louis XIV.


L'officier mit son cheval au trot derrière celui de son maître, et ils descendirent ainsi vers le pont.


Lorsqu'ils furent de l'autre côté de la Loire :

– 134 –


– Monsieur, dit le roi, vous allez me faire le plaisir de piquer devant vous jusqu'à ce que vous aperceviez un carrosse ; alors vous reviendrez m'avertir ; je me tiens ici.


– Votre Majesté daignera-t-elle me donner quelques détails sur le carrosse que je suis chargé de découvrir ?


– Un carrosse dans lequel vous verrez deux dames et probablement aussi leurs suivantes.


– Sire, je ne veux point faire d'erreur ; y a-t-il encore un autre signe auquel je puisse reconnaître ce carrosse ?


– Il sera, selon toute probabilité, aux armes de M. le cardinal.


– C'est bien, Sire, répondit l'officier, entièrement fixé sur l'objet de sa reconnaissance.


Il mit alors son cheval au grand trot et piqua du côté indiqué par le roi. Mais il n'eut pas fait cinq cents pas qu'il vit quatre mules, puis un carrosse poindre derrière un monticule.


Derrière ce carrosse en venait un autre. Il n'eut besoin que d'un coup d'œil pour s'assurer que c'étaient bien là les équipages qu'il était venu chercher.


Il tourna bride sur-le-champ, et se rapprochant du roi :


– Sire, dit-il, voici les carrosses. Le premier, en effet, contient deux dames avec leurs femmes de chambre ; le second renferme des valets de pied, des provisions, des hardes.