Vingt mille lieues sous les mers | страница 79



Le Nautilus ne semblait pas bouger. C’est que les points de repère manquaient. Parfois, cependant, les lignes d’eau, divisées par son éperon, filaient devant nos regards avec une vitesse excessive.

Émerveillés, nous étions accoudés devant ces vitrines, et nul de nous n’avait encore rompu ce silence de stupéfaction, quand Conseil dit :

« Vous vouliez voir, ami Ned, eh bien, vous voyez !

– Curieux ! curieux ! faisait le Canadien – qui, oubliant ses colères et ses projets d’évasion, subissait une attraction irrésistible – et l’on viendrait de plus loin pour admirer ce spectacle !

– Ah ! m’écriai-je, je comprends la vie de cet homme ! Il s’est fait un monde à part qui lui réserve ses plus étonnantes merveilles !

– Mais les poissons fit observer le Canadien. Je ne vois pas de poissons !

– Que vous importe, ami Ned, répondit Conseil, puisque vous ne les connaissez pas.

– Moi ! un pêcheur ! » s’écria Ned Land.

Et, sur ce sujet, une discussion s’éleva entre les deux amis, car ils connaissaient les poissons, mais chacun d’une façon très différente.

Tout le monde sait que les poissons forment la quatrième et dernière classe de l’embranchement des vertébrés. On les a très justement définis : « des vertébrés à circulation double et à sang froid, respirant par des branchies et destinés à vivre dans l’eau. » Ils composent deux séries distinctes : la série des poissons osseux, c’est-à-dire ceux dont l’épine dorsale est faite de vertèbres osseuses, et les poissons cartilagineux, c’est-à-dire ceux dont l’épine dorsale est faite de vertèbres cartilagineuses.

Le Canadien connaissait peut-être cette distinction, mais Conseil en savait bien davantage, et, maintenant, lié d’amitié avec Ned, il ne pouvait admettre qu’il fût moins instruit que lui. Aussi lui dit-il :

« Ami Ned, vous êtes un tueur de poissons, un très habile pêcheur. Vous avez pris un grand nombre de ces intéressants animaux. Mais je gagerais que vous ne savez pas comment on les classe.

– Si, répondit sérieusement le harponneur. On les classe en poissons qui se mangent et en poissons qui ne se mangent pas !

– Voilà une distinction de gourmand, répondit Conseil. Mais dites-moi si vous connaissez la différence qui existe entre les poissons osseux et les poissons cartilagineux ?

– Peut-être bien, Conseil.

– Et la subdivision de ces deux grandes classes ?

– Je ne m’en doute pas, répondit le Canadien.

– Eh bien ! ami Ned, écoutez et retenez ! Les poissons osseux se subdivisent en six ordres : Primo, les acanthoptérygiens, dont la mâchoire supérieure est complète, mobile, et dont les branchies affectent la forme d’un peigne. Cet ordre comprend quinze familles, c’est-à-dire les trois quarts des poissons connus. Type : la perche commune.