Vingt mille lieues sous les mers | страница 71



. D’ailleurs, je ne me sers des réservoirs supplémentaires que pour atteindre des profondeurs moyennes de quinze cents à deux mille mètres, et cela dans le but de ménager mes appareils. Aussi, lorsque la fantaisie me prend de visiter les profondeurs de l’océan à deux ou trois lieues au-dessous de sa surface, j’emploie des manœuvres plus longues, mais non moins infaillibles.

– Lesquelles, capitaine ? demandai-je.

– Ceci m’amène naturellement à vous dire comment se manœuvre le Nautilus.

– Je suis impatient de l’apprendre.

– Pour gouverner ce bateau sur tribord, sur bâbord, pour évoluer, en un mot, suivant un plan horizontal, je me sers d’un gouvernail ordinaire à large safran, fixé sur l’arrière de l’étambot, et qu’une roue et des palans font agir. Mais je puis aussi mouvoir le Nautilus de bas en haut et de haut en bas, dans un plan vertical, au moyen de deux plans inclinés, attachés à ses flancs sur son centre de flottaison, plans mobiles, aptes à prendre toutes les positions, et qui se manœuvrent de l’intérieur au moyen de leviers puissants. Ces plans sont-ils maintenus parallèles au bateau, celui-ci se meut horizontalement. Sont-ils inclinés, le Nautilus, suivant la disposition de cette inclinaison et sous la poussée de son hélice, ou s’enfonce suivant une diagonale aussi allongée qu’il me convient, ou remonte suivant cette diagonale. Et même, si je veux revenir plus rapidement à la surface, j’embraie l’hélice, et la pression des eaux fait remonter verticalement le Nautilus comme un ballon qui, gonflé d’hydrogène, s’élève rapidement dans les airs.

– Bravo ! capitaine, m’écriai-je. Mais comment le timonier peut-il suivre la route que vous lui donnez au milieu des eaux ?

– Le timonier est placé dans une cage vitrée, qui fait saillie à la partie supérieure de la coque du Nautilus, et que garnissent des verres lenticulaires.

– Des verres capables de résister à de telles pressions ?

– Parfaitement. Le cristal, fragile au choc, offre cependant une résistance considérable. Dans des expériences de pêche à la lumière électrique faites en 1864, au milieu des mers du Nord, on a vu des plaques de cette matière, sous une épaisseur de sept millimètres seulement, résister à une pression de seize atmosphères, tout en laissant passer de puissants rayons calorifiques qui lui répartissaient inégalement la chaleur. Or, les verres dont je me sers n’ont pas moins de vingt et un centimètres à leur centre, c’est-à-dire trente fois cette épaisseur.