Vingt mille lieues sous les mers | страница 138
À six heures du matin, je me levai. Les panneaux n’avaient pas été ouverts. L’air ne fut donc pas renouvelé à l’intérieur, mais les réservoirs, chargés à toute occurrence, fonctionnèrent à propos et lancèrent quelques mètres cubes d’oxygène dans l’atmosphère appauvrie du Nautilus.
Je travaillai dans ma chambre jusqu’à midi, sans avoir vu, même un instant, le capitaine Nemo. On ne paraissait faire à bord aucun préparatif de départ.
J’attendis quelque temps encore, puis je me rendis au grand salon. La pendule marquait deux heures et demie. Dans dix minutes, le flot devait avoir atteint son maximum de hauteur, et, si le capitaine Nemo n’avait point fait une promesse téméraire, le Nautilus serait immédiatement dégagé. Sinon, bien des mois se passeraient avant qu’il pût quitter son lit de corail.
Cependant, quelques tressaillements avant-coureurs se firent bientôt sentir dans la coque du bateau. J’entendis grincer sur son bordage les aspérités calcaires du fond corallien.
À deux heures trente-cinq minutes, le capitaine Nemo parut dans le salon.
« Nous allons partir, dit-il.
– Ah ! fis-je.
– J’ai donné l’ordre d’ouvrir les panneaux.
– Et les Papouas ?
– Les Papouas ? répondit le capitaine Nemo, haussant légèrement les épaules.
– Ne vont-ils pas pénétrer à l’intérieur du Nautilus ?
– Et comment ?
– En franchissant les panneaux que vous aurez fait ouvrir.
– Monsieur Aronnax, répondit tranquillement le capitaine Nemo, on n’entre pas ainsi par les panneaux du Nautilus, même quand ils sont ouverts. »
Je regardai le capitaine.
« Vous ne comprenez pas ? me dit-il.
– Aucunement.
– Eh bien ! venez et vous verrez. »
Je me dirigeai vers l’escalier central. Là, Ned Land et Conseil, très intrigués, regardaient quelques hommes de l’équipage qui ouvraient les panneaux, tandis que des cris de rage et d’épouvantables vociférations résonnaient au-dehors.
Les mantelets furent rabattus extérieusement. Vingt figures horribles apparurent. Mais le premier de ces indigènes qui mit la main sur la rampe de l’escalier, rejeté en arrière par je ne sais quelle force invisible, s’enfuit, poussant des cris affreux et faisant des gambades exorbitantes.
Dix de ses compagnons lui succédèrent. Dix eurent le même sort.
Conseil était dans l’extase. Ned Land, emporté par ses instincts violents, s’élança sur l’escalier. Mais dès qu’il eut saisi la rampe à deux mains, il fut renversé à son tour.
« Mille diables ! S’écria-t-il. Je suis foudroyé ! »