Vingt mille lieues sous les mers | страница 114



et l’Astrolabe. Il mouilla d’abord à Botany Bay, visita l’archipel des Amis, la Nouvelle-Calédonie, se dirigea vers Santa Cruz et relâcha à Namouka, l’une des îles du groupe Hapaï. Puis, ses navires arrivèrent sur les récifs inconnus de Vanikoro. La Boussole, qui marchait en avant, s’engagea sur la côte méridionale. L’Astrolabe vint à son secours et s’échoua de même. Le premier navire se détruisit presque immédiatement. Le second, engravé sous le vent, résista quelques jours. Les naturels firent assez bon accueil aux naufragés. Ceux-ci s’installèrent dans l’île, et construisirent un bâtiment plus petit avec les débris des deux grands. Quelques matelots restèrent volontairement à Vanikoro. Les autres, affaiblis, malades, partirent avec La Pérouse. Ils se dirigèrent vers les îles Salomon, et ils périrent, corps et biens, sur la côte occidentale de l’île principale du groupe, entre les caps Déception et Satisfaction !

– Et comment le savez-vous ? m’écriai-je.

– Voici ce que j’ai trouvé sur le lieu même de ce dernier naufrage ! »

Le capitaine Nemo me montra une boîte de fer-blanc, estampillée aux armes de France, et toute corrodée par les eaux salines. Il l’ouvrit, et je vis une liasse de papiers jaunis, mais encore lisibles.

C’étaient les instructions mêmes du ministre de la Marine au commandant La Pérouse, annotées en marge de la main de Louis XVI !

« Ah ! c’est une belle mort pour un marin ! dit alors le capitaine Nemo. C’est une tranquille tombe que cette tombe de corail, et fasse le Ciel que, mes compagnons et moi, nous n’en ayons jamais d’autre ! »


XX

Le détroit de Torrès

Pendant la nuit du 27 au 28 décembre, le Nautilus abandonna les parages de Vanikoro avec une vitesse excessive. Sa direction était sud-ouest, et, en trois jours, il franchit les sept cent cinquante lieues qui séparent le groupe de La Pérouse de la pointe sud-est de la Papouasie.

Le 1>er janvier 1868, de grand matin, Conseil me rejoignit sur la plate-forme.

« Monsieur, me dit ce brave garçon, monsieur me permettra-t-il de lui souhaiter une bonne année ?

– Comment donc, Conseil, mais exactement comme si j’étais à Paris, dans mon cabinet du Jardin des Plantes. J’accepte tes vœux et je t’en remercie. Seulement, je te demanderai ce que tu entends par « une bonne année », dans les circonstances où nous nous trouvons. Est-ce l’année qui amènera la fin de notre emprisonnement, ou l’année qui verra se continuer cet étrange voyage ?