Vingt mille lieues sous les mers | страница 110



Ce jour-là, c’était Noël, et Ned Land me sembla regretter vivement la célébration du « Christmas », la véritable fête de la famille, dont les protestants sont fanatiques.

Je n’avais pas aperçu le capitaine Nemo depuis une huitaine de jours, quand le 27, au matin, il entra dans le grand salon, ayant toujours l’air d’un homme qui vous a quitté depuis cinq minutes. J’étais occupé à reconnaître sur le planisphère la route du Nautilus. Le capitaine s’approcha, posa un doigt sur un point de la carte, et prononça ce seul mot :

« Vanikoro. »

Ce nom fut magique. C’était le nom des îlots sur lesquels vinrent se perdre les vaisseaux de La Pérouse. Je me relevai subitement.

« Le Nautilus nous porte à Vanikoro ? demandai-je.

– Oui, monsieur le professeur, répondit le capitaine.

– Et je pourrai visiter ces îles célèbres où se brisèrent la Boussole et l’Astrolabe ?

– Si cela vous plaît, monsieur le professeur.

– Quand serons-nous à Vanikoro ?

– Nous y sommes, monsieur le professeur. »

Suivi du capitaine Nemo, je montai sur la plate-forme, et de là, mes regards parcoururent avidement l’horizon.

Dans le nord-est émergeaient deux îles volcaniques d’inégale grandeur, entourées d’un récif de coraux qui mesurait quarante milles de circuit. Nous étions en présence de l’île de Vanikoro proprement dite, à laquelle Dumont d’Urville imposa le nom d’île de la Recherche, et précisément devant le petit havre de Vanou, situé par 16° 4’ de latitude sud, et 164° 32’ de longitude est. Les terres semblaient recouvertes de verdure depuis la plage jusqu’aux sommets de l’intérieur, que dominait le mont Kapogo, haut de quatre cent soixante-seize toises.

Le Nautilus, après avoir franchi la ceinture extérieure de roches par une étroite passe, se trouva en dedans des brisants, où la mer avait une profondeur de trente à quarante brasses. Sous le verdoyant ombrage des palétuviers, j’aperçus quelques sauvages qui montrèrent une extrême surprise à notre approche. Dans ce long corps noirâtre, s’avançant à fleur d’eau, ne voyaient-ils pas quelque cétacé formidable dont ils devaient se défier ?

En ce moment, le capitaine Nemo me demanda ce que je savais du naufrage de La Pérouse.

« Ce que tout le monde en sait, capitaine, lui répondis-je.

– Et pourriez-vous m’apprendre ce que tout le monde en sait ? me demanda-t-il d’un ton un peu ironique.

– Très facilement. »

Je lui racontai ce que les derniers travaux de Dumont d’Urville avaient fait connaître, travaux dont voici le résumé très succinct.